Dossier du film : « Sillons de mémoire : des enseignants belges sur les traces du génocide des Tutsi »

SILLONS DE MEMOIRE :
Un voyage d’étude d’enseignants belges pour ouvrir de nouvelles « routes de mémoire » sur le génocide des Tutsi au Rwanda

 

Un groupe d’enseignants de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont participé à un voyage d’études au Rwanda, organisé par le Service Social Juif et Ibuka, avec le soutien du Centre d’Education à la Citoyenneté du Centre Communautaire Laïc Juif David Susskind. Une initiative soutenue par la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le cadre du Décret mémoire.

Objectif ? Mieux comprendre le génocide des Tutsi et enrichir leurs cours. Ce projet ambitieux vise également à ouvrir des parcours de mémoire, permettant à des classes belges de visiter ces lieux comme elles le font déjà pour la Kazerne Dossin, le fort de Breendonk ou Auschwitz. Le réalisateur André Bossuroy a suivi ce périple et en a tiré un documentaire de 35 minutes. Le film retrace leurs visites sur des sites emblématiques du génocide et intègre leurs réactions, enrichies par les interventions d’experts rwandais de la mémoire, notamment des membres de la Commission nationale de lutte contre le génocide (CNLG).

Mais l’ambition de ce film va plus loin : il s’agit de favoriser l’ouverture de nouvelles « routes de mémoire » pour permettre à des élèves belges de marcher dans les pas de leurs enseignants. Des routes comme celles qui mènent déjà à la Kazerne Dossin, au fort de Breendonk ou au camp d’Auschwitz – pour que jamais la mémoire ne s’éteigne, et que jamais l’histoire ne se répète.

Le FILM du voyage des enseignants

L’éducation a été une arme puissante, utilisée pour modeler les esprits dès le plus jeune âge, préparant le terrain au génocide des Tutsi au Rwanda. Mais aujourd’hui, c’est cette même éducation qui devient un rempart essentiel contre la barbarie.

Un atelier artistique en guise d’exploitation pédagogique

De retour en Belgique, un enseignant de l’ACE à Auderghem, inspiré par son voyage au Rwanda, a initié un projet transversal avec ses élèves de 4e et 5e secondaire : comprendre le génocide des Tutsi. Pendant deux mois, avec l’appui des professeurs de géographie, d’histoire et de philosophie, ils ont exploré le sujet en profondeur, créé des fiches pédagogiques et partagé leurs découvertes avec d’autres classes.

Le projet a culminé avec un atelier artistique interdisciplinaire dirigé par l’artiste allemand Roman Kroke, directeur pédagogique et artistique dans les projets mémoriels de l’asbl Mediel. À travers cette expérience, les élèves ont donné vie à leurs réflexions et émotions dans des œuvres très personnelles honorant les victimes tout en inscrivant la mémoire dans leur propre génération.

Témoignage d’Alix, élève de rhéto à l’ACE (Auderghem), qui a participé à l’atelier ‘Sillons de mémoire’ de l’artiste Roman Kroke.

LES ETAPES DU VOYAGE DES ENSEIGNANTS

Retour à Nyundo

Félicité Lyamukuru et son jeune frère Jimmy sont retournés, avec le groupe d’enseignants belges, sur les lieux de l’assassinat de leur famille à Nyundo. Ils en sont les uniques rescapés. Félicité témoigne de ces jours terrifiants qu’elle à vécus en avril 1994. Dans le Rwanda d’aujourd’hui, pour une rescapée du génocide, retourner sur les lieux de son drame personnel et familial exige un courage immense, d’autant plus lorsque ces lieux ne sont pas des sites mémoriels accessibles au public. Cela implique de franchir à nouveau des seuils, de raviver des souvenirs – les siens, mais aussi ceux des habitants actuels, qui, parfois, préfèrent effacer ces événements de leur mémoire, voire les nier. Pourtant, ce courage s’enracine dans une nécessité profonde : rétablir la vérité sur ce qui s’est passé et transmettre cette mémoire afin qu’elle perdure.

Le mémorial de Bisesero : le Mémorial de la Résistance

Les enseignants se rendent sur la colline de Bisesero-Muyira, un site emblématique de la résistance des Tutsi face aux massacres. En 1994, plus de 50 000 Tutsi, espérant y trouver refuge, s’y regroupent pour résister aux assauts des Forces armées rwandaises et des Interahamwe. Armés de lances, de machettes, de pierres et de bâtons, ils opposent une défense héroïque. Mais malgré leur courage, de nombreux Tutsi succombent sous la violence de leurs assaillants.

Rencontre avec des rescapés de Bisesero : à l’issue de la visite de Bisesero, le groupe a l’opportunité de rencontrer des rescapés de Bisesero qui vivent tous aux alentours et, pour certains, ont épousé en seconde noce des femmes issues des familles des tueurs.

Le mémorial de Murambi

Le mémorial de Murambi offre aux enseignants une occasion de comprendre le rôle controversé de l’armée française pendant le génocide. Envoyée par l’Élysée sous couvert d’une mission humanitaire, elle a, en réalité, agi pour protéger le régime génocidaire. En juin 1994, l’armée française occupe Murambi dans le cadre de l’opération Turquoise, présentée comme une mission humanitaire mais ayant pour objectif réel de freiner l’avancée du Front patriotique rwandais et de permettre l’exfiltration des génocidaires en fuite.

Le mémorial de Ntarama

Pendant le génocide, aucun lieu n’offrait de véritable refuge, pas même les églises. En avril 1994, plus de 5 000 Tutsi, dont une majorité de femmes et d’enfants, ont cherché protection dans l’église de Ntarama. Le 15 avril, tous furent massacrés. Aujourd’hui, les vêtements abandonnés à l’intérieur de l’édifice témoignent de l’atrocité des événements. À proximité, des tombes collectives ont été aménagées pour permettre le recueillement. Le site de Ntarama conserve également de nombreux objets ayant appartenu aux victimes : vêtements, cartes d’identité, fournitures scolaires, autant de traces qui rappellent leur humanité brisée.

Le mémorial de Nyamata

En avril 1994, l’église catholique de Nyamata, située à environ 30 kilomètres au sud de Kigali, est devenue le théâtre d’un massacre tragique. Environ 10 000 Tutsi, cherchant refuge en ce lieu sacré, y ont été brutalement assassinés. Aujourd’hui, l’église a été transformée en mémorial, préservant les vêtements ensanglantés des victimes et les impacts de balles sur les murs, témoignant de l’horreur qui s’y est déroulée. À l’extérieur, des fosses communes abritent les restes de plus de 45 000 personnes, offrant un lieu de recueillement et de mémoire pour les générations futures.

Un spectacle mémoriel au mémorial de Gisozi>

Après avoir visité le Mémorial de Gisozi, le groupe a assisté à une performance mémorielle poignante réalisée par de jeunes rescapés de l’Association des étudiants rescapés du génocide (AERG). À travers une mise en scène symbolique, ils ont représenté les outils de mort utilisés lors du génocide, en particulier la machette. Les branches d’un arbre, coupées et éparpillées, incarnaient les victimes. En reconnectant ces branches à l’arbre, les acteurs ont exprimé leur résilience et leur mission de transmettre la mémoire de leurs parents et de leur propre histoire. Le chant exprime la douleur des survivants : « J’ai tant de questions. A qui puis-je poser ces questions qui me taraudent ? Ceux qui étaient supposés me répondre ont tous été assassinés. Celui qui ne l’a pas été par une machette, l’a été par un gourdin et beaucoup d’autres ont été dévorés par les bêtes sauvages. »

Ressources pédagogiques

L’asbl Ibuka Mémoire & Justice, en partenariat avec le CCLJ « La Haine, je dis NON! », offre de nombreuses informations, témoignages et ressources pédagogiques au sujet du génocide des Tutsi au Rwanda

Un film réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le cadre du Décret mémoire.