Écouter au-dedans

« Parfois, à un moment inattendu, quelqu‘un s‘agenouille soudain dans un recoin de mon être. Je suis en train de marcher dans la rue, ou en pleine conversation. Et ce quelqu‘un qui s‘agenouille là, c‘est moi. »

16 septembre 1942

« Et ce moi-même, cette couche la plus profonde et la plus riche en moi où je repose, je l‘appelle « Dieu ». (…) Hineinhorchen, «écouter au-dedans», je voudrais bien disposer d’un verbe bien hollandais pour dire la même chose. De fait, ma vie n’est qu’une perpétuelle «écoute au-dedans» de moi-même, des autres, de Dieu. Et quand je dis que j’écoute «au-dedans», en réalité c’est plutôt Dieu en moi qui «est à l’écoute». Ce qu’il y a de plus essentiel et de plus profond en moi écoute l’essence et la profondeur de l’autre. Dieu écoute Dieu. (…) Les gens sont parfois pour moi des maisons aux portes ouvertes. J’entre, j’erre à travers des couloirs, des pièces : dans chaque maison l’aménagement est un peu différent, pourtant elles sont toutes semblables et l’on devrait pouvoir faire de chacune d’elles un sanctuaire pour toi, mon Dieu. »

17 septembre 1942

Cette illustration est consacrée à la représentation qu’Etty se fait de Dieu et dont la tournure est très individuelle. Ici aussi, nous sommes en présence de l’idée d’un monde extérieur et intérieur telle qu’elle apparaît déjà dans l’illustration « Mesure antijuives ». Dans la partie gauche du dessin, on voit une situation qui se déroule dans le monde extérieur. J’ai imaginé une scène qui aurait pu aussi se développer à partir de l’illustration (« Bouquet de roses ») : Etty est en conversation avec des amis, un grand bouquet de roses posé sur la table. La partie droite de l’illustration montre en revanche le monde intérieur d’Etty et sa représentation de Dieu, telle qu’elle se manifeste dans ses citations.

Tandis que les roses du monde extérieur (à gauche) sont déclinées en tons gris, les pétales qui parsèment son monde intérieur (à droite) sont rouges. Au regard de la misère quotidienne, nombreuses sont les connaissances d’Etty qui ne saisissent pas comment elle peut, à une époque pareille, prendre plaisir aux fleurs (cf. les citations par rapport à l’illustration « Bouquet de roses »). Par conséquent, dans la perception de ces personnes, les fleurs apparaissent « grises » en dépit de leur couleur réelle. Etty, au contraire, puise dans ces taches colorées qui lui parviennent du monde extérieur une force et une vigueur intérieures.

La voix intérieure d’Etty est symbolisée par les lignes d’écriture qui courent à travers les couloirs de son monde intérieur. Pour la graphie, je me suis inspiré de l’écriture manuscrite d’Etty, telle qu’elle apparaît dans les originaux de ses journaux intimes. Cette voix intérieure est à entendre comme une première ébauche des contenus qu’Etty notera ensuite dans son journal intime.

Les visages flottant à travers le monde intérieur sont inspirés d’esquisses comme on peut en trouver dans l’original des journaux intimes d’Etty.

Impressions d’art „Giclée“ sur toile (Fine-Art Print)
Illustration et commentaire de Roman Kroke
(Photo©Roman Kroke)